De la critique de l'ethnocentrisme à la réflexion bioéthique : l'évolution de la représentation des frontières de l'humanité
Abstract
Le concept de frontière demeure un thème encore peu exploré en sciences sociales. Pourtant, il constitue un outil fécond, notamment dans sa capacité à capturer la dimension relationnelle des processus identitaires et à analyser les modes de construction des inégalités sociales, « raciales » et sexuées. La notion de frontière ouvre aussi l'analyse sur la question du «nous » et des « autres » et sur la dynamique des processus de catégorisation et d'étiquetage. La grande étendue des champs ouverts par la notion de frontière nous conduit à limiter ici l'analyse à quelques unes de ses dimensions exemplaires.
Trois principaux points seront distingués. En premier lieu, nous analyserons comment les discours et pratiques de ségrégation et de domination trouvent une légitimité dans l'exclusion de « l'autre » hors des frontières de l'humanité. La nature de la frontière qui sépare l'humain du non-humain est toujours en débat, objet de polémiques et de controverses-qu'est-ce qu'être « humain » ? Posséder une « âme » ? Être doté de raison ? Au fondement de sa critique de l'ethnocentrisme, c'est le critère de la participation à une « commune humanité » qui se verra retenu par l'anthropologie classique. La frontière est donc une zone en mouvement que de multiples acteurs travaillent à redéfinir : l'intensité des débats et combats qui se déroulent révèle l'étendue des enjeux à l'oeuvre et leur dimension stratégique. Enfin, le thème des frontières d'humanité ressort questionné par les progrès des connaissances scientifiques et de leurs applications médicales, qui déterminent l'apparition d'une logique de dissociation croissante entre la personne, le corps humain et ses différents éléments. Cette évolution ouvre vers de nouvelles incertitudes et questionnements bioéthiques sur le statut de l'humain.
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Sociology
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